Conception et fonctionnement du Grand Blockhaus

Pour diriger le tir des canons de Batz-sur-Mer et contrôler le trafic maritime entre Belle-Ile-en-Mer et Noirmoutier, la construction d’un Poste de Direction du Tir (PDT) lourd type S 414 est décidée durant le deuxième semestre 1942. 

Il sera installé sur le promontoire rocheux de la Dilane, à 16 mètres au-dessus du niveau de la mer. Le cinquième niveau hébergeant le télémètre sera ainsi à 28 mètres de haut. La construction du gros œuvre commence le 22 octobre 1942 pour s’achever le 8 février 1943.

Les premiers travailleurs qui mettent en place le squelette métallique du bunker avec 125 tonnes de fer sont principalement des ouvriers nord-africains cantonnés au camp Africain II au Pouliguen. Ils sont relayés par une centaine d’ouvriers travaillant pour l’entreprise du bâtiment allemande Polansky et Zöllner, en contrat avec l’Organisation Todt. Une cinquantaine de menuisiers s’activent pendant plusieurs semaines pour coffrer avec du bois l’ensemble du squelette métallique du bâtiment. Puis le béton liquide est coulé pendant 27 heures ! Cet ouvrage de 25 mètres de long sur une hauteur maximale de 17 mètres a nécessité 1 800 m3 de béton, ce qui représente 300 camions toupies de 6 m3 ! Son espace intérieur est de 285 m2, les murs donnant sur l’extérieur et les plafonds ont partout 2 mètres d’épaisseur.


Presque seul sur la lande et posé sur un promontoire rocheux, le blockhaus est très visible. En février 1943, il est camouflé en grosse villa. 


À cause de la présence permanente de troupes dans le bâtiment, tout est prévu pour le confort des hommes : les chambres sont chauffées par des radiateurs, une partie du sol est carrelé tandis que certains murs sont recouverts de lambris. Deux pièces sont équipées de toilettes et de lavabos avec l’eau courante, ce qui est rare à cette époque. Les portes étanches ainsi que l’air filtré qui circule dans le blockhaus permettent aux soldats de vivre en autarcie, même en cas d’attaque par les gaz de combat. Avec une réserve d’eau et de nourriture ainsi qu’une infirmerie, le blockhaus est autonome pour tenir plusieurs jours en cas de combat. 
Deux canons sur voie-ferrée à Batz-sur-Mer 

En juillet 1940, le 280e bataillon d’artillerie de la marine allemande est envoyé dans la région de Saint-Nazaire. Cette unité, qui doit protéger son port et la Loire contre toute attaque maritime britannique, installe ses canons dans trois anciennes positions de la marine française : à la pointe Saint-Gildas et au Pointeau au sud de la Loire, et au fort de l’Eve. En décembre 1941, deux batteries supplémentaires sont créées, l’une au sud de la Loire, à Préfailles, l’autre au nord, à Batz-sur-Mer. Ces deux batteries sont armées chacune de deux vieux canons de la marine française d’un calibre de 240 mm, montés sur des affûts sur voie-ferrée Saint-Chamond pendant la Première Guerre mondiale. Selon les clauses de l’armistice du 22 juin 1940, ces canons, conservés dans le parc de réserve générale d’artillerie de l’armée française, ont été livrés aux Allemands.


La 4e batterie affectée à Batz-sur-Mer devra bloquer l’accès nord de la Loire et contrebattre tout navire de guerre voulant soutenir un débarquement sur la plage de La Baule. Dès leur arrivée fin 1941, les artilleurs de marine de la 4e batterie s’installent autour du Moulin de Kermoisan où une dizaine de baraquements en bois ont été construits. L’Organisation Todt a érigé un véritable camp retranché protégé par un double réseau de barbelés entre lesquels des mines sont posées. Au milieu de ce camp, deux aires de tir pour les canons sur rail sont raccordées directement à la voie ferrée Batz-sur-Mer – Le Pouliguen. La batterie est située à environ 500 mètres à l’intérieur des terres, au raz du sol, ce qui la rend invisible de la mer en cas de duel avec d’éventuels navires. 
La Protection du Poste de Direction de Tir

Pour contrer toute attaque aérienne, le PDT est protégé à partir de la mi-43 par six canons français anti-aériens de 7,5 cm Flak M 33/36 (f) sur roues placés en encuvements dans un rayon de 150 mètres autour de lui, trois de chaque côté. Le premier poste de télémétrie en encuvement face à la mer, utilisé en 1942 pour les canons sur rail, est réutilisé pour guider leur tir. De l’autre côté de la falaise, deux projecteurs de 60 et 150 cm peuvent aussi entrer en action en cas d’attaque nocturne.

Enfin, pour une attaque rapprochée d’un chasseur par exemple, deux canons de 2 cm Flak 28 sont installés dans des encuvements rectangulaires de chaque côté de la route. L’un d’eux provient du toit du PDT où il avait été placé au moment de sa finition, avant que le bunker ne soit camouflé en maison.
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La Percée du Général Patton et la création de la poche de st-Nazaire

Les artilleurs de marine apprennent par la radio et les journaux ce qu'ils appellent « l'invasion » en Normandie. Ils suivent début août 1944 l'irrésistible percée de Patton en Bretagne... 

Quand ils se retrouvent à la mi-août encerclés dans la Poche de Saint-Nazaire, le front le plus proche, au-delà de la Vilaine, est encore à une trentaine de kilomètres de la batterie ! Le danger maintenant ne vient plus de la mer mais de l'arrière.
Le repli à Pontchâteau des canons sur voie ferrée 

La présence des deux canons de 24 cm à Kermoisan n'étant plus nécessaire, une des deux pièces sur voie ferrée est détachée au commandant de l'artillerie de la forteresse. Profitant du fait que les voies ferrées dans la Poche sont toujours intactes, la pièce sur rail va y circuler et jouer un rôle dans les combats qui s'y déroulent.

La nouvelle base de repli du canon est le tunnel de Pontchâteau. Des emplacements de tir lui sont aménagés à Campbon et Besné, le canon peut aussi tirer à partir de la sortie de la gare de Savenay. C’est d’ailleurs là qu’il sera retrouvé à la Libération. La pièce d'origine française aura bombardé les lignes françaises et américaines qui contiennent la Poche jusqu'au 6 mai 1945. Historiquement, ce canon sur rail est le dernier canon de l’artillerie lourde sur voie ferrée française à avoir tiré pendant la deuxième guerre ! 
A la libération le Blockhaus est livré intact, le 11 mai 1945
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